25.7.06

Sécurité Sociale : paiement alétoire pour cancéreux récidiviste ?!

"Allô ?"
"Oui, je vous appelle car depuis le 1er juin de cette année, je ne perçois plus mes indemnités journalières pour la (X)énième fois depuis que je suis cancéreux invétéré (à partir d'avril 2004 jusqu'à nos jours). Que dois-je faire ?"
"Je m'occupe de vous personnellement, c'est scandaleux ! Ne faites rien." me réponds mon assistante sociale (de la cpam). Dévouée, mais prise au piège dans un système devenu plus que merdique, elle me réconforte comme d'habitude, en prenant ma requête plus qu'au sérieux. Des semaines et des semaines de coup de fil, pour s'entendre dire : "Après six mois d'arrêt longue maladie, on doit recalculer les droits de l'usager." (du patient bande de cons ! Car usagé et usé je vais le devenir bien avant que le cancer m'ait rongé si vous continuez chère Sécurité Sociale à me traiter comme un mec atteint d'un rhume !)
"Mais ce monsieur est malade depuis bien plus longtemps que ça. Seulement étant obligé de subvenir à ses besoins, dès qu'il s'est senti mieux (alors qu'il n'était pas guéri, la preuve puisqu'il dépasse en ce moment les six mois d'interruption de travail pour un cancer et non une déprime causée par la misère des économies de la Cpam se répercutant sur son état psychique) il a travaillé deux mois seulement à mi-temps thérapeutique (car le cancer l'a rattrapé ! salaud !). Mais avant cela, il était déjà en arrêt longue maladie depuis avril 2004 jusqu'aux fameux mois de "courage" (deux, c'est peu oui lol)."
"Oui, mais si ce monsieur n'avait pas repris le travail, on n'aurait aucunement besoin de recalculer ses droits pour qu'il soit payé convenablement (pitoyablement oui!) et ses indemnités journalières seraient virées tous les quinze jours sur son compte bancaire.Voilà pourquoi aujourd'hui, la Sécurité Sociale coupe tout (sans prévenir en disant bien sûr qu'elle l'a fait; c'est bizarre, les factures, je les reçois, leur lettre me prévenant d'un arrêt radical de mes revenus, je ne la reçois pas. Ce n'est pas de bol tout de même)" Tant pis si le cancéreux est dans la merde, un petit peu plus ou un petit moins, il ne doit plus être à ça près.

Bravo ! Je suis un crétin. Je n'ai rien compris à ce système de solidarité. J'ai voulu reprendre le travail alors qu'il ne fallait pas. Il fallait profiter du système, le presser comme un citron, jusqu'au trognon (tant pis si ça jute de trop sur mon compte bancaire sans que je n'aille bosser et trimer afin de mériter cette argent) et puis rien à foutre du trou de la Sécurité Sociale. Cela m'apprendra de me mêler de ce qui ne me regarde pas et de vouloir toujours être parfait. Pourquoi ai-je songé à aller travailler si vite ? Parce que je crevais la dalle. Parce que je ne supportais plus d'être le boulet cancéreux de cette scandaleuse société. Parce que j'ai conscience que je coûte cher et que dès que je le pouvais, je voulais très vite coûter moins chère. Sauf que la Cpam aujourd'hui s'en tape de tout ce ressenti. C'est bien pour les assistantes sociales mais pour les buroliers (les gens qui bossent dans un bureau "le pere noël est une ordure"lol), ils ne se nourrissent pas des états d'âmes des usagers usés. Ils te mettent en pleine gueule "Mais il ne fallait pas reprendre le travail, on n'en serait pas là et vous seriez en train de continuer à toucher vos revenus sans incidents."

Certes, sauf qu'aujourd'hui, on en est là. Plutôt, j'en suis là, sans un sous sur mon compte. Si, il y a une somme à trois chiffres sur mon compte dans la case...débiteur : - 257,87 euro. Ce n'est pas grave, bonne nouvelle, ma sauveuse (l'assistante sociale de la cpam) m'appelle ce jour pour me dire que tout rentre dans l'ordre. Et que dans quelques jours je recevrais tout mon argent (2 mois de retard payé : l'équivalent du montant de deux loyers, ça va pas chier loin! lol). Mon découvert respirera mieux, la banque au passage se gavera un peu et moi, je compterais mes pièces en moins d'une seconde le moins prochain. Pourquoi ? Parce que je n'en aurais déjà plus. Ah cancéreux, c'est clair que cela n'a jamais été un métier d'avenir !

Il était une fois, un jour de chaleur, soudain un mal de foie, une intense douleur.

Jeudi 20 juillet, le matin, je me lève avec une douleur fixe et volontairement tenace. Obstinée et pernicieuse, elle rend le confort de ma vie éphémère. Et perturbatrice, elle crée le doute car je ne sais pas si j'ai mal au ventre (un ulcère ?), au côlon (le transit qui se détraque avec la chaleur ? Mais non, pourtant, je fais des beaux cacas bien moulés), au foie (les lésions hépatiques se propagent ? Où alors s'en vont ? Le cancer s'en va ou revient ?). Alors j'appelle l'hôpital. Facile, c'est ce qu'il faut faire lorsqu'on se lève avec une douleur qui chahute mon humeur.

Simple comme un jeu d'enfant, une journée après, vendredi matin, le mal persistant me pousse à faire ce coup de fil élémentaire. J'appelle. Qui ? L'hôpital de jour (là où je vais mes cures de Gemzar (la chimio)). Personne ! Casse-pieds, je réitère et je tombe sur un réceptionniste plutôt fâcheux. "C'est les vacances et l'hôpital de jour est fermé le vendredi", voilà ce que me dit le pseudo agent d'accueil (un mot sur deux ressemblait plus à une langue inexistante plutôt qu'à du français et son ton jovial donnait envie de ne plus être cancéreux souffrant mais nettoyeur à la Reno dans Léon de Besson). Une guerre sans fin commence entre Fred (mon copain le roquet) et le monsieur de l'accueil de l'hôpital. Bref, tout ce merdier, juste pour nous dire qu'il ne faut pas être en difficulté le vendredi et le week end.

Laborieuse mésaventure, je continue tant bien que mal à supporter cette douleur aussi têtue qu'un gay qui ne veut pas coucher avec la plus belle bombe (femme évidemment) du moment. Alors mon roquet chéri aboie sur tout ce qui peut, ce qui permet quand même de débloquer la situation et d'avoir enfin un oncologue spécialisé au bout du fil. Sauf que lui, il ne s'est pas ce que j'ai et qui je suis. Mais il peut quand même à distance consulter mon dossier. En cinq minutes, il me conseille de prendre de la morphine (je n'avais pas attendu qu'on me le dise !) et de rajouter un autre médicament. De plus, il me dit que si j'ai mal c'est à cause de mes lésions hépatiques. Mes quoi ? Mon cancer ! Bien monsieur. Merci monsieur (de me dire que j'ai grave le cancer ! Encore !) Sage et raisonné (ça m'arrive), je tente de calmer la douleur en me disant qu'il a préféré parler du pire afin de se protéger (donc sans me protéger). Après tout, c'est classique, le patient, il est touché, le médecin non. Alors, c'est bien logique, il faut se protéger de ce qu'on n'a pas. Certes, mais on ne va pas protéger quelqu'un de ce qu'il a (peut-être ou déjà). Et puis si on l'enfonce un peu plus ou un peu moins la tête sous l'eau, c'est moins grave que de se casser une jambe, c'est juste de la maladresse à la con de la part d'un professionnel de la santé perdu dans une organisation estivale qui tire sur les ficelles du moindre coût et l'augmentation des ratages les plus effrayants. Et dans le milieu, on n'est pas à une bavure près. On manipule juste des vies. Et une vie, c'est rien ! Mais oui, c'est ça ! Et s'il s'agissait de la tienne bigorneau, ce serait bien différent, avec ton air de trou du cul, tu serais embêté comme une truffe. Comme moi ! Oui. C'est évident.

La morphine me fait gerber. La chaleur me casse. Rien ne change. Samedi fin d'après-midi, Fred dévoué et inquiet continue d'aboyer cette fois-ci sur ma mère. Vexée mais dévouée (si si elle aussi), elle file me chercher avec Alain (son ex que je préfère) pour me conduire aux Urgences où je suis attendu car mon roquet chéri d'amour a appelé tout le monde pour avoir le numéro de portable du médecin qui s'occupe de moi et il l'a dérangé dans sa petite vie (il se baignait en dordogne lol). Ce dernier, adorable (il faut le dire), l'a bien accueilli et ils ont parlé ensemble de la marche à suivre la plus sûre (aller faire un petit tour aux urgences). La plus sûre mais la moins rapide : arrivée vers 17h, départ vers 00h30. Diagnostic plus rassurant : réaction de la chimio sur le foie (pas forcément mauvais signe car la chimio en faisant son travail peut me faire mal au foie). Action efficace : une dose de Cortisone injectée par les veines accompagné de Mopral protecteur gastrique atténue bien la douleur sans la faire disparaitre complètement. Rassuré et enfin heureux de moins ressentir cette torture (accro à moi) depuis trois jours, je rentre pour manger et dormir avec mon roquet chéri. Ah je l'aime celui-là, sinon, ça ferait longtemps qu'il terminerait dans sa niche. Mais je le garde tant qu'il ne mord pas car mis à part ça il est doux, tendre, câlin et il a un coeur gros comme ça. Mais le jour où il mord, je le vire (c'est mieux que de le piquer), car après le cancer, je vais pas en plus me choper la rage !

Voilà ce que c'est d'aimer. Voilà ce que c'est de souffrir quand on a le cancer. Et quand tout cela se mélange, voilà le cocktail détonnant que j'ai voulu partagé avec vous chers lecteurs virtuels. Une tranche de mie, non de vie, d'un cancéreux amoureux. Peace and love.

5.7.06

Métro, CHIMIO, dodo. À quand le boulot ?

Mes cheveux repoussent n'importe comment (si si je vous assure, je retrouve des cheveux très fins comme les premiers que j'ai eu lorsque je venais de faire mes premiers pas sur cette Terre tourmentée. Je ressemble à un savant fou. À 1 an, c'est adorable cette chevelure doucereuse, mais à 27 ans, dans le métro, lorsque les rombières urbaines sortent le nez des potins de Voici (en promo cette semaine en kiosque) pour me fixer comme un insecte répugnant (elle scrute mes petits cheveux rebelles avec insistance), je rentre avec une seule idée en tête (retrouver la boule à zéro) que je fais part à Fred (mon amoureux devenu coiffeur pétasse lol). Redevenu chauve, les grognasses trop curieuses ne lèvent plus la tête pour regarder le cancéreux en voie de dissimulation. Voilà ce que c'est de prendre le métro entre deux chimios !

La chimio reste "facilement" supportable à côté de ce que j'ai pu connaître il y a quelques mois en secteur protégé. Celle-ci reste juste une obligation à mes yeux mais en rien une contrainte (même si mes plaquettes se font grignoter méchamment, relativisons, j'ai connu pire, avant j'étais un légume en train de végéter dans un pieu d'hôpital). Aujourd'hui, je suis au stade où je n'ai jamais autant été à l'écoute de mon corps. Alors après une chimio suit toujours un dodo. C'est la règle d'or du cancéreux raisonnable qui préfère sacrifier une bonne après-midi d'un sommeil réparateur plutôt que d'attendre que la sournoise chimio (elle utilise le même langage que le cancer pour éradiquer ce connard) s'empare de mon grand corps malade pour lui infliger quelques jours de torture sous prétexte qu'elle me soigne en retour. Alors pour éviter la casse, le jour J, c'est "métro, chimio, dodo".

C'est bien beau tout ça, la guérison se rapproche... Mais au détriment de la construction de ma propre vie (doucement allez vous me dire, chaque chose en son temps). Sauf que le boulot me manque (alors que la chimio me lasse), mais je me raccroche au métro (il y a encore quelques mois je payais mon pass Intégrale pour rien, car même le métro, je ne pouvais pas l'emprunter, aujourd'hui, je me déplace) et puis quand le statut de "cancéreux" devient trop difficile à supporter, je me refuge dans le dodo (sans prendre de Lexomil, rassurez-vous).

Patience, avec le temps tout s'arrange... J'atteins presque la bonne combinaison. Au départ c'était "dodo, chimio, dodo", et puis quelques temps après, c'est devenu "métro, chimio, dodo", alors demain, j'ai le droit de penser (c'est du bon sens uniquement !) que le mot "boulot" sonnera la mort du mot "chimio" pour l'éternité illimitée sans limites voire plus que ça (MDR) Et qu'en conclusion, j'écrirais sur ce blog un article que je pourrais enfin (le soulagement) intitulé (sans exagération) :
"Métro, boulot, dodo", le minimum qu'un Homme doit vivre.